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La CNUCED place une alerte orange sur la nécessité de reconstruire l’économie, en mieux


Communiqué de presse
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Traduction non officielle. En cas de divergence, la version anglaise prévaut"
UNCTAD/PRESS/PR/2021/028
La CNUCED place une alerte orange sur la nécessité de reconstruire l’économie, en mieux
  • Depuis le début de la pandémie, les gouvernements du Nord ont abandonné une partie du dogme politique néolibéral en vigueur depuis 40 ans, afin de protéger les vies et les moyens de subsistance au cours d'une contraction économique sans précédent.
  • Cependant, en l’absence d’une révision plus approfondie des règles et normes multilatérales, les inégalités persisteront, le monde gaspillera des ressources financières sans parvenir à relever le défi de la crise climatique, et ceci même si la croissance revient.
  • Le monde a besoin d'une coordination multilatérale plus efficace, sans laquelle les efforts de relance dans les pays avancés nuiront aux perspectives de développement dans le Sud et amplifieront les inégalités existantes.
  • D'ici 2025, les pays en développement seront appauvris de 12 000 milliards de dollars à cause de la pandémie ; l'incapacité à déployer des vaccins pourrait réduire les revenus des pays du Sud de 1 500 milliards de dollars supplémentaires.

Geneva, Suisse, 15 septembre 2021

Le Rapport sur le commerce et le développement 2021 de la CNUCED, publié aujourd'hui, indique que l'économie mondiale rebondira cette année grâce à la poursuite des interventions politiques radicales commencées en 2020 ainsi qu’au déploiement réussi (bien qu'encore incomplet) des campagnes de vaccination dans les économies avancées. La croissance mondiale devrait atteindre 5,3 % en 2021, son taux le plus élevé depuis près de cinq décennies (tableau 1).

Selon le dernier Rapport sur le commerce et le développement de la CNUCED, les plans de sauvetage déclenchés par la pandémie de Covid-19 sont porteurs d’espoir. Cependant, il faudra procéder à des transformations politiques bien plus ambitieuses pour s'éloigner résolument de quatre décennies marquées par une confiance mal placée dans des marchés non réglementés et pour donner un nouveau souffle à la coopération multilatérale.

À leur honneur, les gouvernements des pays avancés ont réagi au choc du Covid-19 en redécouvrant leur pouvoir budgétaire et en faisant de la résilience, plutôt que de la flexibilité, le critère de la reprise. Mais la crise a également révélé à quel point l'économie mondiale est devenue fragmentée et fragile, et à quel point ce changement de politique doit s'étendre et s’approfondir si l'on veut que l'expression souvent répétée "reconstruire en mieux" caractérise la reprise post-pandémie.

Privés de l'indépendance politique et des vaccins que les économies avancées considèrent comme acquis, de nombreux pays en développement sont confrontés à un cycle de déflation et de désespoir, avec une décennie perdue en perspective. Selon la CNUCED, les pays en développement seront plus pauvres de 12 billions de dollars d'ici 2025 à cause de la pandémie ; selon certains calculs, l'échec du déploiement des vaccins réduira à lui seul de 1,5 billion de dollars les revenus des pays du Sud.

"La reprise mondiale après la pandémie doit aller au-delà des dépenses d'urgence et des investissements dans les infrastructures pour s'appuyer sur un modèle multilatéral revigoré pour le commerce et le développement", a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED. "Seule une refonte concertée des priorités permet d'espérer s'attaquer aux inégalités et aux crises environnementales et climatique qui définissent désormais notre époque."

Un examen des actions politiques dans trois domaines clés du renforcement de la résilience - réduction des inégalités, lutte contre le pouvoir des entreprises et réduction des émissions de carbone - suggère que les économies avancées ont pris des mesures certes bienvenues, mais qui n’ont pas le poids et la force que des mesures plus décisives et un soutien coordonné apporteraient.

En janvier 1981, le président américain récemment élu, Ronald Reagan, promettait à ses concitoyens "un nouveau départ".  Libérée de l'ingérence du gouvernement, une économie vigoureuse, plus juste et plus productive allait émerger. Son message selon lequel "le gouvernement n'est pas la solution à notre problème ; c'est le gouvernement qui est le problème" a fait le tour du monde. 

Le Rapport sur le commerce et le développement de la CNUCED fût lancé la même année et n'a cessé depuis d’analyser l'impact des politiques néolibérales. Beaucoup de choses ont changé, mais à un niveau fondamental, les avertissements du premier rapport - concernant une économie mondiale non coordonnée, sujette aux chocs et aux crises - ont résisté à l'épreuve du temps : les créanciers sont toujours favorisés par rapport aux débiteurs, les grands producteurs dominent les petits, les profits s'accumulent au détriment des salaires et les intérêts des pays développés restent privilégiés par rapport à ceux des pays en développement (Figure 1).

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"Au cours des 40 dernières années, nous avons assisté à l'émergence d'une économie de rente à part entière, d'envergure mondiale et dopée à la dette, tant publique que privée", a déclaré Richard Kozul-Wright, Directeur de la division de la mondialisation et des stratégies de développement de la CNUCED. "De plus, l'inégalité est devenue une caractéristique majeure de notre monde globalisé, tandis que la concentration du pouvoir économique privé érode l'autorité publique qui pourrait apporter des réponses."

Les crises sont, sans aucun doute, une opportunité de renverser les structures malsaines, et les quatre dernières décennies en ont connu beaucoup, avec pour point culminant la crise financière mondiale de 2008-2009. Mais malgré les dégâts causés à l'emploi, aux revenus et à l'épargne, les gouvernements n'ont pas réussi à échapper à l'influence des marchés financiers non réglementés, du pouvoir des entreprises et des individus ultra riches. Si cet échec se répète dans la période post-pandémique, par la combinaison d'une austérité budgétaire, d’une édulcoration des règles du marché du travail et d'accords de commerce et d'investissement inégaux - alors même que la politique monétaire reste souple - les espoirs de générer un développement durable et équitable s'évanouiront rapidement.

Au lieu de cela, et même en l'absence d'un nouveau krach financier, l'économie mondiale restera faible pour le reste de la décennie. Et les pays en développement, notamment en Afrique et en Asie du Sud, seront les plus durement touchés (Table 1).

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Depuis la crise financière mondiale, 25 000 milliards de dollars ont été injectés dans les économies avancées, les rendant de facto totalement dépendantes des interventions de leurs banques centrales. Le résultat avant la pandémie était un contraste pervers de croissance plus lente et de marchés financiers en plein essor (Figure 2). Bien que les gouvernements aient ajouté d'importantes mesures budgétaires à leur arsenal politique lorsque la pandémie a frappé, l'essor des marchés financiers menacera la reprise si leur phobie de l'inflation l'emporte sur la pression exercée pour soutenir l'activité économique réelle.

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Alors que l’activité dans les économies avancées rebondit après un long blocage, la crise pourrait rapidement perdre son caractère mondial. Cependant, cette croissance ne fera que mettre en évidence le manque de cohésion du système multilatéral. Le Rapport se félicite de l'accord sur l'allocation de 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), qui apportera un certain soulagement, mais cela ne suffira pas à inverser la spirale descendante dans la plupart des pays en développement où l'austérité reste la politique par défaut des gouvernements soumis à la pression financière de capitaux sans scrupules et de marchés impitoyables.

Et sur le front de la santé, les programmes COVAX et celui de regroupement d’accès aux technologies contre le Covid-19 (C-TAP) n'ont pas réussi à mobiliser les ressources nécessaires auprès des gouvernements et des entreprises du Nord. Parmi ces derniers, beaucoup ont résisté aux appels des pays en développement à renoncer temporairement aux règles sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) au sein de l'OMC pour soutenir la production locale de vaccins.

La CNUCED, comme il y a 40 ans, considère qu'une plus grande coordination des politiques est une condition préalable pour mieux se relever d'un choc mondial grave. Mais elle estime également qu'il est urgent de mettre en place des actions plus audacieuses, ensemble, avant qu'il ne soit trop tard. Le rapport tire de la crise plusieurs enseignements qui pourraient contribuer à renforcer l'ambition des décideurs politiques aux niveaux national et international :

  • Les gouvernements ne sont pas soumis aux mêmes contraintes budgétaires que les ménages, mais tous les gouvernements ne sont pas égaux. Les pays en développement ont besoin de soutien pour élargir leur marge de manœuvre budgétaire.
  • Les banques centrales sont des institutions publiques autorisées par l'État à créer du crédit. La manière dont elles utilisent cette autorité doit refléter les décisions de politique publique visant un développement équitable.
  • La résilience est donc un bien public. Elle ne peut être assurée que par des investissements publics.
  • La finance est trop importante pour être laissée aux marchés : des banques publiques et une surveillance réglementaire renforcée peuvent créer un climat d'investissement plus sain.
  • Réduire les salaires est mauvais pour les entreprises et pire pour la société ; les salaires sont une source essentielle de la demande, leur croissance peut stimuler la productivité et sous-tend un contrat social fort.
  • Une économie saine est une économie diversifiée. La politique industrielle est importante pour les pays à tous les niveaux de développement. La question n'est pas de savoir si mais comment.
  • Une société solidaire est une société plus stable, et une bonne politique sociale ne peut pas simplement se limiter à offrir une catégorie résiduelle de filets de sécurité destinés à empêcher les laissés-pour-compte de chuter encore plus bas.