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L'impôt minimum mondial appelle à une accélération des réformes des traités d'investissement

23 novembre 2023

Un rapport de la CNUCED souligne l'interaction entre les efforts de lutte contre l'évasion fiscale et les normes de protection des investissements.

An aerial shot of Yantian Port Free Trade Zone, Shenzhen City, Guangdong Province, China
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© Shutterstock/asharkyuYantian | Port Free Trade Zone, Shenzhen City, Chine

Près de 140 pays se sont mis d'accord, fin 2021, sur un taux d'impôt minimum mondial de 15 % pour les grandes multinationales, ce qui constitue un grand pas en avant vers l'uniformisation fiscale et permet d'éviter un nivellement par le bas, les gouvernements étant en concurrence pour attirer les entreprises étrangères.

Les recherches de la CNUCED montrent que dans un tiers des juridictions fiscales, les incitations fiscales basées sur les bénéfices permettent aux filiales des multinationales de payer souvent moins que ce taux.

L'accord fiscal mondial ciblera les centres d'investissement dont les revenus sont particulièrement faiblement taxés. Selon les nouvelles règles, par exemple, une multinationale bénéficiant d'un accord de faible imposition avec le gouvernement local pourrait être soumise à des impôts plus élevés dans la juridiction de sa société mère.

« Un tel changement montre comment les réformes fiscales mondiales interagissent avec les cadres d'investissement existants », explique Hamed El-Kady, un expert de la CNUCED travaillant sur cette question.

Un rapport de la CNUCED publié le 23 novembre explore les défis juridiques potentiels dans le cadre des accords internationaux d'investissement (AII) et la probabilité de litiges internationaux initiés contre les États par des investisseurs étrangers à mesure que les pays s'alignent sur le nouveau régime fiscal mondial.

Le rapport souligne la nécessité d'accélérer les réformes des AII pour s'assurer qu'ils soutiennent l'accord mondial sur l'impôt minimum et d'autres politiques convenues au niveau international sur des questions telles que le changement climatique et la santé.

Conflits potentiels, mais une vague de litiges fondés sur des AII est peu probable

Le rapport évalue quatre normes de l'IIA susceptibles de provoquer le plus de tensions.

  • Traitement juste et équitable : Fréquente dans les anciens AII et souvent invoquée dans les arbitrages entre investisseurs et États (ISDS) fondé sur ces traités, la nature générale de cette disposition pourrait poser des problèmes pour la mise en œuvre de l'impôt minimum mondial, notamment en ce qui concerne les incitations fiscales dans les zones économiques spéciales ou d'autres régimes fiscaux spéciaux négociés individuellement.
  • Clause parapluie : Cette clause intègre les obligations des États individuels dans le cadre de l'AII, ce qui entraîne des complexités juridiques dans les affaires ISDS. Bien que moins fréquente dans les nouveaux AII, elle reste une source potentielle de litiges dans les accords plus anciens, car elle s'étend aux clauses de gel des impôts dans les contrats entre investisseurs et États.
  • Règles de non-discrimination : Incluant le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée, ces règles peuvent créer des tensions car les entités qui entrent dans le champ d'application des règles proposées pour mettre en œuvre l'impôt minimum mondial et celles qui n'y entrent pas peuvent être traitées différemment.
  • Disposition relative à l'expropriation : Protégeant contre la dépossession, cette disposition considère que l'imposition « confiscatoire » constitue une expropriation indirecte. Dans l'ensemble, le taux minimum convenu de 15 % n'atteindra probablement pas le seuil de « privation substantielle » généralement exigé par les tribunaux de l'ISDS.

Le rapport indique que certaines normes des AII pourraient avoir un impact sur les méthodes nationales de collecte des impôts et sur l'efficacité de l'impôt minimum mondial.

Il précise que le retrait de certaines incitations fiscales, comme celles négociées pour les zones économiques spéciales, peut être contraire à la norme de traitement juste et équitable et à la clause parapluie.

« Des frictions peuvent également résulter du traitement différent des entités constitutives des entreprises qui sont couvertes par l'impôt minimum et de celles qui ne le sont pas », ajoute la CNUCED.

Toutefois, la CNUCED estime qu'une vague de litiges fondés sur des AII est peu probable. Les multinationales pourraient plutôt utiliser les litiges potentiels comme outil de négociation pour obtenir d'autres avantages, tels que des réductions des droits de douane ou des modifications favorables des accords de partage de la production.

Il est urgent d'accélérer les réformes

Le rapport souligne l'urgence de réformer les AII pour soutenir l'impôt minimum mondial.

Soulignant l'interaction entre la lutte contre l'évasion fiscale et la promotion de l'investissement, il appelle à la mise en place d'un instrument multilatéral pour mieux définir l'interaction entre l'impôt minimum mondial et les accords internationaux d'investissement.

Parallèlement, pour réduire les risques de friction, il recommande aux gouvernements de réévaluer et d'affiner les mesures d'incitation en matière d'impôt sur le revenu des sociétés afin de garantir un traitement équitable aux entreprises étrangères et locales.

« Il ne s'agit pas seulement d'assurer l'équité, mais aussi de maintenir la cohérence entre les politiques fiscales et d'investissement au niveau mondial », souligne M. El-Kady.