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Transition énergétique : Tracer une voie équitable pour les flottes de pêche

30 janvier 2024

Le secteur de la pêche, qui dépend des combustibles fossiles et qui est vulnérable au changement climatique, doit passer à des énergies alternatives, mais d'une manière qui soit équitable pour les pays et les communautés vulnérables.

A motorized fishing vessel
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© Shutterstock/Neophuket

Les flottes de pêche mondiales, alimentées principalement par des combustibles fossiles tels que le diesel marin, émettent entre 0,1 % et 0,5 % des émissions mondiales de carbone, soit jusqu'à 159 millions de tonnes par an, selon les dernières données disponibles.

Le secteur de la pêche, essentiel à la subsistance de plus de 40 millions de personnes dans le monde, est confronté aux menaces croissantes du changement climatique. Il s'agit notamment de l'élévation du niveau des mers et du réchauffement des eaux, qui mettent en péril les ports de pêche et épuisent les stocks de poissons. Les risques sont particulièrement élevés pour les pays en développement, où la pêche artisanale et à petite échelle prédomine. 

Pourtant, l'industrie de la pêche ne dispose pas d'objectifs et de lignes directrices globales pour passer à des énergies plus propres, comme le souligne un nouveau rapport de la CNUCED.

Le rapport couvre une série d'opérations de pêche motorisée, de la pré-récolte au débarquement, ainsi que les infrastructures impliquées. Il évalue les possibilités et les difficultés liées à l'adoption de carburants alternatifs, en insistant sur la nécessité d'assurer une transition énergétique « juste » qui n'affecte pas de manière disproportionnée les pays vulnérables ou les communautés de pêcheurs.

« La transition énergétique des flottes de pêche est une question cruciale et urgente à l'heure où les nations, et en particulier les pays en développement, s'engagent à atteindre des objectifs de consommation nette zéro et à agir pour le climat », déclare David Vivas Eugui, chef de la section des océans et de l'économie circulaire de la CNUCED.

Nécessité de réglementations ciblées et plus strictes

Regina Asariotis, cheffe de la section de la politique et de la législation des transports de la CNUCED, souligne le besoin urgent de réglementations plus ciblées et plus solides pour les flottes de pêche.

« Les mesures d'efficacité énergétique et les réglementations adoptées par l'Organisation maritime internationale pour le transport maritime mondial ne s'appliquent que de manière limitée aux navires de pêche, principalement en raison de leur taille et de leur mode de fonctionnement », explique Mme Asariotis.

Par exemple, les navires dont le tonnage est inférieur à certains seuils ou qui opèrent exclusivement dans la juridiction d'un État du pavillon sont exemptés. Les navires de pêche sont également exclus des obligations de déclaration et des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre fondées sur le marché adoptées au niveau de l'Union européenne, à l'exception de la taxation des produits énergétiques utilisés pour la propulsion de tous les navires.

Le rapport de la CNUCED constate également que dans le contexte des contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l'Accord de Paris - où les pays exposent leurs engagements en matière de réduction des émissions et d'adaptation au changement climatique - la plupart des dix principaux exportateurs d'aliments aquatiques affichent des engagements limités en matière d'atténuation du climat ou d'adaptation dans les secteurs liés à la pêche.

Les carburants alternatifs : Opportunités et défis

Le rapport évalue plusieurs carburants alternatifs pour les navires de pêche à différents stades de maturité, soulignant la nécessité de poursuivre la recherche et le développement (R&D) en vue d'une intégration réussie.

Parmi ces options, les biocarburants verts, fabriqués à partir de matières premières non alimentaires ou de déchets de poisson, se distinguent comme étant les plus facilement disponibles et les plus matures.

Le rapport reconnaît que l'hydrogène vert et l'ammoniac vert sont prometteurs, mais il précise qu'ils nécessitent des travaux de R&D supplémentaires pour résoudre les problèmes liés à la sécurité, à l'évolutivité, à la rentabilité, à la capacité de stockage des navires et des ports, ainsi qu'à l'infrastructure de livraison.

Quant au méthanol vert et au gaz naturel liquéfié, ils posent tous deux des problèmes en termes de modernisation et de sécurité, avec un potentiel limité pour la décarbonisation complète des flottes.

La CNUCED présente également d'autres moyens de réduire les émissions de GES des navires de pêche, tels que les moteurs électriques et hybrides, les technologies de propulsion éolienne et les technologies numériques pour améliorer l'efficacité énergétique.

Une transition juste nécessite une approche équilibrée et progressive

Le rapport souligne la nécessité d'une approche équilibrée et progressive, appelant à l'adoption graduelle d'un bouquet énergétique durable afin d'atténuer les impacts sur la pêche à petite échelle et les communautés de pêcheurs marginalisées.

Sur le plan économique et technologique, la CNUCED appelle à la mise en place d'un système de collecte de données harmonisé au niveau mondial, adapté à la pêche artisanale et à petite échelle, afin d’assurer le suivi et la déclaration des émissions de GES des flottes de pêche.

Elle encourage également à explorer les options en matière carburants durables issus de pratiques d'économie circulaire, telles que la conversion des déchets de poisson et des algues en biocarburant ou en biogaz pour les navires de pêche et l'expansion de l’infrastructure de livraison des dits carburants.

Du point de vue du commerce, de la chaîne de valeur et des infrastructures, le rapport préconise l'élimination progressive et, à terme, l'interdiction des subventions au secteur de la pêche basées sur les combustibles fossiles.

Des mesures efficaces d'adaptation au changement climatique, de renforcement de la résilience et de réduction des risques de catastrophe pour les infrastructures portuaires, ainsi que l'amélioration de l'accès à un financement abordable pour les pays en développement, sont également cruciales.

En ce qui concerne les considérations environnementales, le rapport appelle les pays à introduire des engagements de décarbonisation de la flotte de pêche dans les CDN afin d'aligner les efforts d'atténuation et d'adaptation, tout en affirmant que la décarbonisation ne peut être dissociée de la durabilité des stocks de poissons.

Enfin, en ce qui concerne les facteurs sociaux, il appelle à renforcer les normes de sécurité et à donner la priorité au bien-être, aux moyens de subsistance et aux droits des pêcheurs dans cadre de la transition énergétique.