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TDR-L'ONU appelle à sortir de l’austérité et à se montrer ambitieux pour rééquilibrer l’économie mondiale et parvenir à la prospérité pour tous


Communiqué de presse
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UNCTAD/PRESS/PR/2017/032
TDR-L'ONU appelle à sortir de l’austérité et à se montrer ambitieux pour rééquilibrer l’économie mondiale et parvenir à la prospérité pour tous

Geneva, Suisse, 14 septembre 2017

​L’économie mondiale peine à se redresser. Un nouveau rapport de la CNUCED, le Rapport sur le commerce et le développement, 2017 : Au-delà de l’austérité – vers une nouvelle donne mondiale, présente une alternative ambitieuse pour rendre l’économie plus inclusive et solidaire.

Lors du lancement du rapport, le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi, a déclaré : « La conjugaison d’un fort endettement et d’une faible demande au niveau mondial a eu pour effet d’empêcher une croissance soutenue de l’économie mondiale ».

Le rapport estime que les êtres humains devraient passer avant les profits et appelle ainsi à faire peau neuve au XXIème siècle en proposant une « nouvelle donne » mondiale. Pour mener à bien cette rénovation, il sera essentiel de sortir de l’austérité, de mettre au pas les entreprises qui ont soif de rente et de mobiliser des ressources financières pour soutenir la création d’emplois et l’investissement dans les infrastructures.

Des hauts et des bas

Selon la CNUCED, en 2017, l’économie mondiale se redresse mais ne décolle pas. Elle devrait enregistrer un taux de croissance de 2,6 %, légèrement supérieur à celui de 2016, mais bien inférieur au taux moyen d’avant la crise financière, qui était de 3,2 %. La situation s’améliore quelque peu dans la plupart des régions ; l’Amérique latine sort de la récession et enregistre la plus forte reprise, même si celle-ci n’est que de 1,2 %. Les pays de la zone euro devraient connaître leur plus forte croissance depuis 2010 (1,8 %), mais ils sont toujours à la traîne des États-Unis (voir le tableau).

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Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED.
Note : Les agrégats par pays sont calculés à partir du produit intérieur brut en dollars constants de 2005.
a  Prévisions.

Le principal obstacle à une forte reprise dans les pays avancés est l’austérité budgétaire, qui reste l’option macroéconomique par défaut. Selon les calculs de la CNUCED, 13 des 14 principaux pays avancés ont connu l’austérité entre 2011 et 2015.

Compte tenu de l’insuffisance de la demande mondiale, le commerce reste atone. Un léger mieux est attendu cette année en raison d’une reprise du commerce Sud-Sud emmenée par la Chine. Il y a toutefois beaucoup d’incertitude, surtout concernant le commerce des produits de base, dont les prix ont baissé après une embellie de courte durée (figure 1).

Figure 1 : Prix mensuels, tous les produits de base
(Indice : 2002 = 100)
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Source : Secrétariat de la CNUCED.

En l’absence d’expansion coordonnée dont les pays avancés prendraient la tête, l’accélération modeste de l’économie mondiale ne se confirmera que si la situation s’améliore durablement dans les pays émergents. Bien que la plupart des grands pays émergents aient évité l’austérité entre 2011 et 2015 et que la Chine et l’Inde aient continué d’enregistrer une forte croissance depuis, ces économies font désormais face à de sérieux risques de dégradation de leur situation. L’endettement continue d’augmenter sans signe réel de forte croissance. En outre, l’instabilité politique, la chute des prix des produits de base, la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis et l’appréciation du dollar sont des motifs d’inquiétude. Les entrées de capitaux dans les pays en développement restent négatives, quoique dans une moindre mesure qu’au cours des dernières années (figure 2). Enfin, des événements imprévus pourraient faire rechuter les pays dont l’économie se redresse.

Figure 2 : Flux nets de capitaux privés par région, données trimestrielles
(En milliards de dollars courants)
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Source : Secrétariat de la CNUCED

En cette période d’anxiété, l’inégalité, l’endettement et l’instabilité présagent d'un avenir précaire

Selon Richard Kozul-Wright, principal auteur du rapport, « deux des tendances socioéconomiques des dernières décennies ont été l’explosion de la dette et l’essor des super-élites, qui représentent grosso modo le centile de la population mondiale le plus riche. Selon le rapport, elles sont liées, dans le cadre de la déréglementation des marchés financiers, au fossé qui se creuse entre ceux qui détiennent des actifs financiers et les autres, et à l’obsession des rendements à court terme. L’inégalité et l’instabilité sont ainsi inhérentes à l’hypermondialisation ». Le rapport montre que l’insuffisance de l’investissement productif, la précarité de l’emploi et l’affaiblissement de la protection sociale sont les conséquences de ce phénomène. Il s’agit d’un cercle vicieux, la « grande fuite » des revenus les plus élevés aboutissant à une crise, qui est suivie d’une période d’austérité et de stagnation des revenus les plus faibles.

Dix ans après avoir provoqué une gigantesque crise mondiale qui a englouti des milliers de milliards de dollars d’argent public dans des plans de sauvetage, le secteur financier dominant n’a guère changé. En effet, l’endettement est plus élevé que jamais. Mais le rapport examine d’autres sources d’angoisse comme la robotisation et la discrimination à l’égard des femmes, qui influent sur les perspectives d’emploi dans les pays développés comme dans les pays en développement. Même si l’automatisation et la participation accrue des femmes devraient être saluées, elles sont considérées comme une menace car elles coïncident avec une période d’austérité et de concurrence excessive, entraînant une course à l’abîme sur les marchés du travail. D’où la réaction de défiance de la population à l’égard d’un système qui est considéré comme favorisant indûment une poignée de grandes entreprises, d’institutions financières et de gens fortunés. Le rapport met en garde contre l’incapacité à corriger les excès de l’hypermondialisation, qui non seulement menace la cohésion sociale mais mine aussi la confiance dans les marchés et dans les responsables politiques.

Une alternative au fondamentalisme du marché est nécessaire

Le rapport estime que le commerce et la technologie ont beaucoup trop servi à expliquer les problèmes de l’hypermondialisation. Il appelle plutôt à examiner sérieusement l’emprise sur le marché, la recherche de rentes et les règles du jeu où « le gagnant rafle la mise », qui ont abouti à l’exclusion.

La concentration croissante des marchés est un grave problème qui est mis en lumière dans le rapport et dont les conséquences pour le système politique peuvent être corrosives.

Aussi longtemps que les responsables politiques brandiront l’épée de l’austérité et mesureront le succès des politiques à l’aune des prix des actifs et du niveau des profits, les grandes entreprises domineront les secteurs clefs et les inégalités déjà fortes risquent de s’aggraver.

Vers une nouvelle donne mondiale : s’inspirer de l’esprit de 1947

Pour passer de l’hypermondialisation à une économie inclusive, on ne peut se contenter de faire en sorte que les marchés fonctionnent mieux. Il faut adopter un programme plus exigeant et plus global qui remédie aux asymétries mondiales et nationales dans les domaines de la mobilisation des ressources, du savoir-faire technologique, du pouvoir de marché et de l’influence politique.

Tandis que les États-Unis jouent de moins en moins leur rôle de consommateur mondial en dernier ressort, le recyclage des excédents est un élément clef du rééquilibrage de l’économie mondiale. Le rapport braque les projecteurs sur la zone euro − l’Allemagne en particulier − qui enregistre actuellement un large excédent avec le reste du monde. La récente proposition du Groupe des 20 avancée par l’Allemagne − un plan Marshall pour l’Afrique − est la bienvenue, mais n’a pas le muscle financier nécessaire. L’initiative « une ceinture et une route » lancée par la Chine, d’un montant de mille milliards de dollars, est beaucoup plus audacieuse, même si l’excédent de ce pays a fortement diminué au cours des deux dernières années.

Le rapport tire des enseignements de ce qui s’est passé en 1947, lorsque le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et l’Organisation des Nations Unies se sont unis pour rééquilibrer l’économie mondiale de l’après-guerre, et le plan Marshall a été lancé. Soixante-dix ans plus tard, un effort tout aussi ambitieux est nécessaire pour remédier à l’iniquité de l’hypermondialisation et rendre l’économie inclusive et durable.

Le rapport répond au slogan politique d’antan − « il n’y a pas d’alternative » − en ébauchant les contours d’une nouvelle donne mondiale qui rendrait l’économie plus inclusive et solidaire. La reprise économique serait ainsi accompagnée de réformes de la réglementation et de mesures de redistribution qui seraient mises en œuvre rapidement et selon que de besoin. Les succès du « New Deal » dans les États-Unis des années 1930 tenaient pour beaucoup au rééquilibrage des pouvoirs dans la société et à l’expression des groupes les plus faibles, notamment des groupes de consommateurs, des organisations de travailleurs, des agriculteurs et des pauvres démunis. Cela est tout aussi vrai aujourd’hui.

Dans l’économie mondiale intégrée que nous connaissons, les gouvernements doivent agir ensemble pour que n’importe quel pays puisse réussir. La CNUCED les prie instamment de saisir l’occasion qui leur est offerte par les objectifs de développement durable et de mettre en œuvre une nouvelle donne mondiale pour le vingt et unième siècle.

Il y a une alternative

Les principales mesures examinées dans le rapport sont les suivantes :
• Sortir de l’austérité en augmentant et en améliorant les investissements publics, en accordant une large place à l’économie des soins et notamment en menant de grands travaux publics qui modernisent les infrastructures et créent des emplois.
• Aider à atténuer les changements climatiques et à s’adapter à leurs effets et promouvoir les possibilités technologiques offertes par l’Accord de Paris adopté au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
• Mettre davantage l’accent sur les activités de prestation de soins.
• Accroître les recettes publiques (en accordant une plus grande place à l’impôt progressif, y compris sur les revenus immobiliers et les autres formes de rente, on pourrait contribuer à la lutte contre les inégalités de revenu). Le rapport montre que même des modifications mineures du taux marginal d’imposition des plus grandes fortunes mondiales combleraient une grande partie du déficit de financement ; si l’on s’attaquait aux exemptions fiscales et aux possibilités d’évasion fiscale dans la législation ainsi qu’au recours excessif des sociétés aux subventions, il en résulterait une forte hausse des recettes et une plus grande justice.
• Mettre en en place un registre financier mondial où seraient consignés les propriétaires d’actifs financiers partout dans le monde serait un premier pas vers une fiscalité plus juste.
• Renforcer la voix des syndicats (les salaires doivent augmenter en lien avec la productivité, et l'insécurité de l'emploi doit être corrigée par une action législative appropriée et par des mesures énergiques relatives au marché du travail).
• Contrôler le capital financier (réglementation adaptée du secteur financier, dont le champ d'application irait des gigantesques banques d'affaires aux produits financiers "toxiques").
• Améliorer la capitalisation des banques de développement multilatérales et régionales (les lacunes institutionnelles en matière de restructuration de la dette souveraine doivent être comblées au niveau multilatéral).
• Contenir les activités rentistes des entreprises (les mesures visant à lutter contre les pratiques commerciales restrictives doivent être considérablement renforcées parallèlement à une application plus stricte des prescriptions nationales relatives à la publication d'informations. Par exemple, un observatoire mondial de la concurrence pourrait surveiller l'évolution de la concentration des marchés et recueillir des renseignements sur la grande variété de cadres réglementaires en vigueur, première étape de l'adoption de directives et de politiques internationales coordonnées correspondant aux meilleures pratiques).