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Les Nations Unies appellent à une action audacieuse pour financer une nouvelle donne écologique mondiale et réaliser les objectifs de développement durable


Communiqué de presse
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UNCTAD/PRESS/PR/2019/027
Les Nations Unies appellent à une action audacieuse pour financer une nouvelle donne écologique mondiale et réaliser les objectifs de développement durable

Geneva, Suisse, 25 septembre 2019

Selon le Rapport sur le commerce et le développement 2019 publié aujourd’hui par la CNUCED, nous pouvons réaliser les objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030, mais seulement si nous trouvons la volonté politique de changer les règles du jeu économique international et d’adopter les mesures qui permettront de mobiliser les ressources nécessaires à une forte hausse des investissements initiée par le secteur public et de placer l’économie mondiale sur une trajectoire d’expansion.

« L’économie mondiale ne sert pas également tout le monde. Vu la configuration actuelle des politiques, des règles, de la dynamique des marchés et du pouvoir des grandes entreprises, les inégalités économiques risquent de se creuser et la dégradation de l’environnement de s’accentuer », a dit Richard Kozul-Wright, Directeur de la division de la CNUCED qui est chargée d’élaborer le rapport.

S’inspirant de la politique emblématique mise en œuvre pour sortir de la Grande Dépression, les auteurs du rapport prônent une nouvelle donne écologique mondiale pour rompre avec les années d’austérité et d’insécurité qui ont suivi la crise financière de 2008, contribuer à une répartition plus équitable des revenus et inverser le processus de dégradation de l’environnement enclenché depuis des décennies. Ils proposent une série de réformes dont le but est de mettre la dette, le capital et les banques au service du développement et de leur faire financer la nouvelle donne.

Les changements climatiques causent déjà de graves dommages à travers le monde et menacent la vie sur terre. La décarbonisation de l’économie mondiale nécessitera une augmentation significative de l’investissement public, en particulier dans les systèmes propres de transport, d’alimentation et d’énergie. Celle-ci devra être appuyée par des politiques industrielles efficaces assorties de subventions, de mesures d’incitation fiscale, de prêts et de garanties ciblés, et accompagnée d’une accélération de l’investissement dans la recherche, le développement et l’adaptation technologique.

Les auteurs du rapport plaident en faveur d’une nouvelle génération d’accords commerciaux et d’accords d’investissement à l’appui de ces politiques, et sont partisans d’une modification des lois sur la propriété intellectuelle et sur les licences. Cependant, des mesures particulières et un soutien financier spécifique seront nécessaires pour aider les pays en développement à sauter l’étape du développement à forte intensité de carbone.

Le rapport contient une feuille de route qui, pour les pays développés, peut se traduire par des taux de croissance du PIB supérieurs de 1 % à 1,5 % à ceux qui découlent de la structure actuelle de la demande mondiale. Les pays en développement enregistreront des gains plus importants − de 1,5 % à 2 % par an −, sauf la Chine, pour laquelle ces gains seront plus modérés.

Pouvons-nous vraiment gagner sur les deux tableaux dans un monde déjà en butte à des agressions environnementales considérables ?

Selon les économistes de la CNUCED, une augmentation annuelle des investissements verts de l’ordre de 2 % de la production mondiale − soit environ 1 700 milliards de dollars, c’est-à-dire un tiers seulement de ce que les États dépensent actuellement pour subventionner les combustibles fossiles − pourrait entraîner la création nette d’au moins 170 millions d’emplois au niveau mondial, favoriser une industrialisation respectueuse de l’environnement dans les pays du Sud et contribuer à une réduction globale des émissions de carbone d’ici à la fin du Programme de développement durable, en 2030.

Cependant, les auteurs du rapport affirment également que le recours accru à l’investissement pour éliminer la pauvreté et atteindre les objectifs en matière de nutrition, de santé et d’éducation fera peser un fardeau financier insoutenable sur de nombreux pays en développement, et qu’il faudra réformer en profondeur le système commercial, financier et monétaire international si nous voulons réaliser le Programme 2030 dans les délais.

Depuis la crise financière, les solutions favorables aux marchés qui ont été adoptées pour surmonter les problèmes mondiaux n’ont pas permis d’inciter les pays à suivre une direction plus durable sur les plans économique, social et environnemental. Les auteurs du rapport mettent en doute les propositions visant à poursuivre dans cette voie, c’est-à-dire à financer la réalisation des ODD en augmentant autant que possible le financement du développement par des sources publiques et privées, par le recours à des outils et à des techniques tirés du manuel de stratégies des groupes bancaires. Ces méthodes ont régulièrement failli à stimuler l’investissement productif et ont joué un rôle déterminant dans le cycle d’expansion et de récession qui a conduit à la crise financière de 2008.

On trouvera donc dans le rapport une série de mesures et de réformes qui placeraient le secteur public en position de chef de file pour le financement d’une nouvelle donne écologique mondiale, ainsi qu’un appel à la communauté internationale à trouver la volonté politique de promouvoir un tel programme.

Il est essentiel d’inverser la tendance à la baisse de la part des revenus du travail par rapport aux profits − qui se poursuit depuis des décennies − et à la contraction de la sphère publique et de faire en sorte que les grandes entreprises paient leur juste part (fig. 1) pour que cet ensemble de mesures produise ses effets, grâce aux retombées positives de la hausse de l’investissement public et des salaires sur la consommation et l’investissement privé.

L’ensemble de principes d’action approprié variera d’un pays à l’autre, mais tous ces plans comprendront des mesures de relance budgétaire, des investissements publics dans les infrastructures et l’énergie verte, ainsi que des mesures visant à augmenter les salaires (fig. 2).

Figure 1a - La rupture du contrat social

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Figure 1b - Une taxation loin d’être excessive (pour certains)
Taux moyens d’imposition sur les bénéfices des sociétés, pour certains groupes
de pays, sur la période 2000-2018

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Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après la base de données statistiques
de l’impôt sur les sociétés de l’OCDE.



Figure 2a - Réparer le contrat social : l’évolution de la part du travail dans le PIB

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Figure 2b - Croissance de l’investissement total (privé et public)

En dollars des États-Unis constants de 2005, en parité de pouvoir d’achat, variation en pourcentage d’une année sur l’autre

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La relance budgétaire, qui doit être financée par des augmentations progressives de l’impôt et la création de crédit, produit également des effets plus puissants lorsqu’elle est coordonnée, ce qui favorise son autofinancement. Son efficacité est déterminée par la mesure dans laquelle l’impulsion budgétaire initiale parvient à stimuler l’investissement privé. Alors que de nombreux pays sont actuellement confrontés à une demande insuffisante, les auteurs du rapport s’attendent à ce que les mesures de relance budgétaire stimulent l’investissement privé et, par conséquent, la croissance de la productivité.

Selon Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la CNUCED, « pour satisfaire les besoins de financement du Programme 2030, il est nécessaire de reconstruire le multilatéralisme autour de l’idée d’une nouvelle donne écologique mondiale, et ainsi de forger un avenir financier très différent de ce que nous venons de vivre ». Les auteurs du rapport proposent une série de mesures de réforme visant à faire en sorte que la dette, le capital et les banques contribuent au développement, notamment ce qui suit :

  • Le renforcement du rôle dévolu aux droits de tirage spéciaux, qui doivent constituer un mécanisme de financement souple et évolutif allant au-delà du simple apport de liquidités pour appuyer les appels de longue date en faveur de la création d’un fonds mondial de protection de l’environnement qui puisse fournir un financement d’urgence prévisible et stable non assorti de conditionnalités strictes ou de critères d’admissibilité restrictifs ;
  • L’établissement d’un programme mondial de prêts liés aux ODD en faveur des pays à faible revenu ou à revenu moyen inférieur qui associe un fonds de refinancement conçu pour permettre aux pays participants d’emprunter à des conditions favorables et un fonds de prêt supplémentaire destiné à couvrir la part externe des besoins de financement bruts du secteur public jusqu’en 2030 ;
  • La création d’un fonds mondial pour le développement durable alimenté par les pays donateurs qui s’acquitteraient de leurs engagements non tenus au titre de l’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement et qui fourniraient des ressources complémentaires pour compenser les versements partiels des dernières décennies (soit un montant estimé à plus de 3 500 milliards de dollars depuis 1990) ;
  • Un renforcement de la coopération monétaire régionale pour refinancer et promouvoir le commerce intrarégional et développer les chaînes de valeur intrarégionales en allant au-delà des simples accords de swap et de mise en commun afin de surmonter les contraintes de liquidité et de favoriser le développement à grande échelle de systèmes de paiement et de chambres de compensation régionaux ;
  • La création d’un cadre fondé sur des règles pour faciliter une restructuration ordonnée et équitable de la dette souveraine dont le service ne peut plus être assuré selon le contrat initial, régi par un ensemble de principes et de règles de droit international convenus ;
  • La réduction des flux financiers illicites motivés par des considérations fiscales grâce à un système d’imposition unitaire dans lequel les bénéfices des entreprises multinationales seront considérés comme ayant été générés collectivement au niveau du groupe et qui serait associé à un taux effectif minimum global d’impôt sur les sociétés s’appliquant à la totalité des bénéfices engrangés, qui se situerait entre 20 % et 25 %, soit la fourchette moyenne des taux nominaux en vigueur dans le monde ;
  • L’institution du contrôle des capitaux en moyen d’intervention permanent tout en continuant d’exclure la gestion des comptes de capital du champ d’application des accords régionaux et bilatéraux sur le commerce et l’investissement, mais en assurant une coordination et une surveillance multilatérales, y compris des sorties de capitaux en provenance des pays développés ;
  • La création d’un réseau des principales banques centrales chargé de promouvoir énergiquement le financement de la lutte contre les changements climatiques en passant d’une approche limitée à la stabilité des prix et au ciblage de l’inflation à un soutien du financement vert par des banques publiques spécialisées et par des mécanismes d’orientation plus généraux tels que l’assouplissement quantitatif ;
  • L’augmentation des fonds propres des banques de développement et d’autres banques publiques afin qu’elles puissent accroître le financement du développement ; la réorientation des ressources des fonds souverains, dont les actifs sous mandat de gestion sont estimés à 7 900 milliards de dollars, vers les besoins de développement, y compris par le soutien des banques de développement ; la coordination de la nouvelle génération de banques du Sud afin de renforcer les liens de financement sud-sud.